LE CANADIEN

De l’importance de l’équilibre

Je l’ai abordé dans ma chronique précédente, et la chose n’est un secret pour personne : le Canadien, pour voir ses efforts couronnés de succès lors de la prochaine saison, devra marquer plus de buts que l’an dernier à forces égales.

Or lorsqu’on parle de production offensive, on ne doit pas considérer les joueurs sur une base individuelle, mais bien regarder l’équipe dans son ensemble, sinon par groupes de joueurs, que ce soit des trios d’attaquants ou des duos de défenseurs. Et notre analyse doit avoir pour pierre d’assise l’équilibre.

On a vu l’an dernier, en saison comme en séries, que le Canadien était capable de connaître du succès. Il l’a toutefois fait en se prêtant à un jeu défensif très serré qui a permis à Carey Price de se hisser parmi les meilleurs gardiens de la ligue. Il faut maintenant passer à l’étape suivante et optimiser les combinaisons devant Price.

Prenons comme point de référence les Bruins de Boston, l’une des meilleures équipes de la ligue et les grands rivaux du CH dans la division Atlantique. Jetons d’abord un premier coup d’œil à un élément statistique d’équipe : 

Buts marqués en 2013-2014

5 contre 5, avantage numérique, Total* 

Bruins : 179, 50, 258 

Canadien : 136, 48, 209

*Comprend les buts en désavantage numérique, à 4 contre 4, etc.

Bien que Montréal ait marqué presque le même nombre de buts que Boston en avantage numérique, le Canadien en a marqué 43 de moins à cinq contre cinq et 49 de moins au total. Cela équivaut, grosso modo, à un coussin d’un but des Bruins sur le CH pendant la moitié de la saison. C’est énorme, et cela confirme le déficit offensif à combler chez les Montréalais.

Intéressons-nous maintenant aux trois premières lignes d’attaque :

Les unités d’attaque, 2013-2014 

Buts, points, +/-

1er trio des Bruins : 73, 189, +103 

1er trio du Canadien : 74, 153, +23 

2e trio des Bruins : 65, 152, +92 

2e trio du Canadien : 47, 99, +9 

3e trio des Bruins : 45, 117, +34 

3e trio du Canadien : 31, 70,-28

Deux constats s’imposent. Tout d’abord, la production du premier trio, bien que comparable par le nombre de buts marqués, est beaucoup plus diversifiée chez les Bruins que chez le Canadien. Le nombre de points témoigne d’un meilleur mouvement de rondelle à Boston, entre les attaquants, mais aussi avec les défenseurs. À preuve, le premier duo d’arrières des Bruins a, à lui seul, marqué 24 buts l’an dernier, soit autant que la brigade défensive du CH réunie.

Ensuite – et c’est là que le Canadien essaie d’améliorer sa situation –, la domination est totale chez les Bruins pour les points et le différentiel des deuxième et troisième trios.

Une parenthèse ici : le différentiel (+/-) connaît depuis quelques années son lot de détracteurs, qui rejettent cette statistique jugée peu ou pas représentative de la performance d’un joueur. Ces personnes ont parfaitement raison quand il s’agit d’évaluer un patineur sur une base individuelle, dont la cote peut changer sans qu’il ait eu d’incidence sur un but marqué pour ou contre son camp. Or quand on s’attarde à cette statistique sur le plan collectif, c’est autrement intéressant : on peut alors véritablement juger de l’efficacité d’un trio ou même d’une unité de cinq joueurs.

Avec des fiches de + 9 et + 92, c’est le jour et la nuit entre les joueurs de deuxième trio du Canadien et leurs homologues bostoniens. Il importe toutefois de préciser que Tomás Plekanec est très souvent opposé au meilleur trio de l’adversaire, et ses chances de marquer en souffrent forcément. Si on lui donnait le feu vert, il serait sans doute capable d’en donner plus offensivement – à preuve, il l’a déjà fait.

Pourquoi donc ne pas lui donner le feu vert ? La réponse est sur la troisième ligne. Sa faible production offensive, combinée à un différentiel pitoyable, nous révèle que cette unité a beaucoup de difficulté quand elle affronte un bon trio adverse. C’est là que le Canadien doit impérativement s’améliorer, et les décisions de la direction, tant au cours des prochains jours que des prochaines semaines, iront dans ce sens.

Une question ici : pourquoi le Canadien a-t-il connu du succès en séries l’an dernier ? En grande partie parce que le troisième trio s’est mis à jouer comme un premier trio qui, en plus de produire en attaque, a commencé à bien travailler défensivement.

C’est sans aucun doute ce que Michel Therrien essaiera de reproduire cette saison, en créant davantage de stabilité sur le trio de Lars Eller. Un joueur comme Christian Thomas pourrait-il être une solution intéressante pour compléter cette unité avec Rene Bourque ? Le style de jeu de Thomas me rappelle celui de Brendan Gallagher : ces deux joueurs sont rapides et tenaces, ils sont capables de transporter la rondelle en zone adverse et mettent beaucoup de pression sur la défense malgré leur petite stature. Leur manière très linéaire d’entrer en zone adverse est de plus en plus fréquente dans la LNH, et c’est un bon complément à Eller, qui n’a pas une très large vision du jeu.

Ces qualités expliquent certainement pourquoi Thomas a tenu bon au camp d’entraînement, et peu importe le sort que la direction de l’équipe lui réservera, on a vu quelle dimension il pouvait apporter à cette formation.

Son cas illustre également la manière dont les entraîneurs prennent des décisions. Les amateurs se demandent parfois pourquoi tel ou tel joueur est préféré à un autre. Le Canadien, comme les autres équipes, est à la recherche de l’équilibre entre l’attaque et la défense et tente de générer davantage d’attaque à cinq contre cinq. Si un petit joueur comme Christian Thomas peut y contribuer, pourquoi alors lui préférer un joueur plus gros mais moins doué ?

Compter sur un bon gardien est évidemment une force. Mais marquer des buts, ce n’est pas le boulot de Carey Price.

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